LA DÉCONFITURE DE L’AMÉRIQUE

Les États-Unis, pays supposément démilitarisé à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, n’a en fait jamais cessé d’accroître son potentiel militaire depuis la victoire de la Grande guerre. Aujourd’hui, des troupes militaires américaines sont déployées dans pas moins de 150 pays à travers le monde…

Parlant militaires, saviez-vous que la Chine n’est pas entrée en guerre depuis les années ’70 tandis que les États-Unis n’ont pas, depuis, été en mesure de bénéficier d’une seule journée sans conflit? À ce sujet, l’ex-président Jimmy Carter notait récemment qu’au cours de ses 242 ans d’existence, le pays n’avait connu que 16 années exemptes de guerre ce qui en fait, comme il l’a écrit avec justesse, «la nation la plus guerrière de l’histoire de l’humanité».

Depuis 2001, les États-Unis ont dépensé plus de six trillions de $ destinés à la guerre et aux opérations militaires en découlant, argent qui aurait évidemment pu bénéficier aux diverses infrastructures du pays.

NDLR : six trillions de dollars ou, si vous préférez, six mille milliards… assez pour mettre en place une couple de systèmes de soins de santé. Mettons. 😲

Et pendant que les States investissaient massivement dans l’industrie militaire la Chine, elle, investissait dans l’édification de sa nation, versant pour ce faire davantage de ciment aux trois ans que n’en ont versé les Américains pendant l’entièreté du 20e siècle.

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Les trois Américains les plus riches possèdent plus d’argent que les 160 millions de leurs concitoyens comptant parmi les plus démunis. 😥 Le patrimoine financier moyen des foyers de familles noires, lui, est le dixième de celui des foyers de familles blanches, tandis qu’une majorité d’Américains (Blancs, Noirs, hispaniques…) ne sont qu’à deux chèques de paie de la faillite.

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À ce jour, aux États-Unis, la pandémie a entraîné la perte de quelque 40 millions d’emplois, alors que 3,3 millions d’entreprises ont dû fermer leurs portes. En passant, 41 % d’entre elles étaient la propriété de chefs d’entreprises noirs, ces Noirs qui surpassent largement le nombre de personnes blanches incarcérées dans les prisons fédérales alors qu’ils ne constituent que 13 % de la population. Ces mêmes Noirs qui sont scandaleusement victimes d’un taux de mortalité passablement élevé alors que les membres de leur communauté meurent en moyenne trois fois plus que leurs concitoyens de race blanche.

(…)

Tandis qu’ils se contemplent dans la glace en n’y voyant que le reflet du mythe de leur exceptionnalisme, les Américains semblent étrangement incapables de constater ce qui se trame actuellement dans leur cour. Cette république, qui a défini la libre circulation de l’information comme étant le sang de la démocratie, figure désormais en 45e position des nations en ce qui a trait à la liberté de presse.

NDLR : Fuckin’ Fake News… that’s your fault!!! 😆

Sur une terre qui a déjà accueilli les communautés comptant parmi les plus persécutées du globe, on retrouve aujourd’hui davantage d’Américains favorables à la construction d’un mur à la frontière sud que d’Américains en faveur des soins de santé et de la protection des mères sans-papiers et de leur progéniture, lesquelles demandent désespérément asile.

NDLR : pour ce qui est de l’immigration, je recommande vivement la série documentaire de Netflix ayant pour titre «Les États-Unis, terre d’immigration». Jamais été aussi en crisse de toute ma vie qu’en visionnant ce flot quasi-ininterrompu d’injustices.

On y apprend entre autres qu’il y a pas moins de 220 centres de détention («detention facilities») au pays et que, dans le lot, 215 sont dirigés par des compagnies privées! Faque l’inévitable se produit, les proprios font de l’argent sur le dos de leurs «détenus» puisqu’ils perçoivent un certain montant pour chaque immigrant y séjournant. Inutile de spécifier que le taux d’occupation frise les 100%! Capitalisme oblige, on ne se gêne pas non plus pour abuser de ces derniers, qui ne sont rémunérés qu’un malheureux dollar par jour pour y travailler et faire rouler la patente (buanderie, cafétéria, etc.). Aberrant.

En janvier 2019, le gouvernement Trump a instauré le mal-nommé «Migrant Protection Protocols» (ou politique du «Reste au Mexique»), qui renvoie en sol mexicain tous les demandeurs d’asile dans l’attente de leur audition par la cour d’immigration, ce qui prend des mois, si ce n’est des années… d’où ces dizaines de milliers de réfugiés (hommes, femmes, vieillards et enfants) refoulés à la frontière qui dorment à même le sol, dans de vétustes tentes. «You can’t come in. Our country is full. You can’t come in.» , répète le charitable Donald.

Et ce que je viens de décrire, ce ne sont que quelques minutes de cette percutante série, qui vous fera serrer les poings d’indignation comme jamais. Promis.

Pour un aperçu, voici la bande-annonce :

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En complet renoncement avec le bien commun, les lois du pays redéfinissent la liberté comme le droit inaliénable pour chaque individu de posséder un arsenal d’armes à feu, un droit acquis ayant même préséance sur la sécurité des enfants. Au cours de la dernière décennie seulement, 346 élèves et professeurs ont été abattus sur le terrain de leur école.

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Alors que nombre de pays ont promptement réagi pour mieux contrôler le virus les États-Unis, eux, ont préféré opter pour le déni, en une sorte d’aveuglement volontaire. Plus d’un cinquième des décès liés à la COVID seront bientôt américains, alors que la population étasunienne compte pour moins de 4 % de la population mondiale. En fait, le pourcentage de victimes américaines du coronavirus est six fois plus élevé que la moyenne globale.

La nation qui a vaincu la variole et la polio, et qui a agi en tant que leader depuis des générations dans le domaine médical en matière d’innovations et de découvertes, se voit aujourd’hui contrainte de subir les moqueries tandis que son bouffon de président préconisait l’utilisation de désinfectants ménagers comme traitement pour une maladie qu’il ne peut avoir, intellectuellement, ne serait-ce qu’un début de compréhension.

Seulement voilà, le mécanisme politique américain est ainsi fait qu’il rend possible l’accession au plus haut poste de la nation d’un type considéré comme une honte nationale, un démagogue qui se compromet moralement et éthiquement autant que faire se peut.

NDLR : en 2016, le système électoral américain a permis l’élection de Donald Trump alors que Hillary Clinton avait remporté le vote populaire par près de trois millions de voix, ce qui fait de l’hurluberlu le cinquième candidat de l’histoire à avoir remporté une élection présidentielle sans avoir récolté le plus grand nombre de suffrages populaires.

Parlant de l’hurluberlu, comme le disait un certain auteur britannique en badinant, «Le monde a toujours compté beaucoup de gens stupides, de même qu’un nombre élevé de personnes malveillantes. Mais rarement aura-t-on vu la stupidité devenir si malveillante, ou la malveillance si stupide.»

NDLR : 😆

Le président américain ne vit que dans le but de cultiver les ressentiments, démoniser ses opposants, sanctionner la haine. Pour gouverner, son outil de prédilection demeure le mensonge, comme en font foi les quelque 20 055 déformations de la vérité et autres fausses affirmations ayant été recensées en date du 9 juillet 2020. Si le premier président américain George Washington était reconnu comme étant une personne incapable de mentir, celui qui occupe ce poste aujourd’hui est quant à lui tout simplement incapable de reconnaître la vérité.

NDLR : hormis quelques personnes mentalement dysfonctionnelles, tout l’monde sait pertinemment que Donald ment comme il respire, au point où ce même tout l’monde hausse désormais les épaules devant ce pitoyable et semble-t-il indécrottable tic, voire ce quasi-toc (tiens, peut-être pour ça qu’il souhaite bannir TikTok! S’cusez-la, c’était plus fort que moi... 😉).

Ceci étant précisé, j’ai pour ma part ben d’la misère quand je l’entends mentir sans vergogne à propos de ses prétendus bons coups, de bons coups pourtant maintes fois attribuables à son prédécesseur, ce Barack Obama qu’il déteste tant. Pas plus tard qu’avant-hier, le bluffeur-en-chef s’est pour une 150e fois (minimum) attribué les mérites d’une loi signée par Obama en août 2014, le fameux «Veterans Choice Act». Et lorsqu’une journaliste le lui a rappelé, le putain d’lâche a préféré mettre précipitamment fin à la conférence de presse plutôt que de répondre à la question et d’affronter la vérité. Fuckin’ liar, fuckin’ coward

(…)

Le culte américain de l’individualisme vient non seulement remettre en question la communauté, mais aussi le concept même de société. Personne ne doit rien à personne, tous et chacun doivent être prêts à se battre pour à peu près tout et n’importe quoi, de l’éducation à l’hébergement, en passant par l’alimentation et les soins de santé. Tandis que l’ensemble des démocraties qui se veulent prospères et engagées sur la voie du succès considèrent les principes suivants comme étant des droits fondamentaux, l’Amérique, pour sa part, les rejette du revers de la main puisqu’ils seraient synonymes d’aberrations socialistes, comme autant de signes de faiblesse : l’accès universel aux soins de santé et à des écoles publique de qualité, ou encore la mise en place d’un filet de sécurité sociale pour les plus faibles, les plus âgés et les personnes handicapées.

(…)

Peut-être avez-vous lu cette blague sur les réseaux sociaux puisqu’elle y circule depuis quelques mois déjà : «Habiter au Canada, c’est comme vivre dans un appartement situé au-dessus d’un laboratoire de métamphétamines!» 😆 Ce pays n’est peut-être pas parfait, mais il a bien géré la crise de la COVID, notamment en Colombie-Britannique (où je vis). Pour chaque décès survenu en Colombie-Britannique, on en compte 44 au Massachusetts (un état ayant sensiblement la même population et qui a recensé davantage de cas de COVID que l’ensemble du Canada).

Lorsque mes amis Américains demandent une quelconque explication à ce phénomène, je les encourage à réfléchir à la dernière fois où ils ont fait leur épicerie au marché du coin. Aux États-Unis, on retrouve presque toujours un quelconque fossé racial, économique, culturel et éducationnel entre le client et le personnel du magasin, fossé qui se voit difficile, voire impossible à combler. Au Canada, la situation diffère passablement alors que les individus interagissent entre eux comme s’ils étaient sur un pied d’égalité, à tout le moins membres d’une même communauté.

Et pourquoi en est-il ainsi? La raison est fort simple. En fait, le caissier ne se trouve peut-être pas au même niveau que vous, économiquement parlant, mais il sait que vous savez qu’il perçoit un salaire somme toute décent parce qu’il est membre d’un syndicat. Il sait également que vous savez que ses enfants fréquenteront peut-être la même école publique que les vôtres. Dernier point, et non le moindre, le caissier sait que vous savez que si son enfant tombe malade, il recevra le même niveau de soins que les vôtres ou que ceux du premier ministre

Si le Canada s’en est somme toute bien tiré pendant la crise de la COVID c’est en raison de notre contrat social, des relations qu’entretiennent nos communautés, du lien de confiance existant entre chaque individu et envers nos institutions, particulièrement envers notre système de soins de santé composé d’hôpitaux répondant aux besoins médicaux de la collectivité et non de l’individu… et certainement pas envers quelque investisseur privé, pour qui chaque lit d’hôpital devient synonyme de propriété locative.

On ne mesure pas la richesse d’une nation dite civilisée en regard de la fortune accumulée par quelques privilégiés, mais bien en mesurant la vitalité et le rayonnement des relations interpersonnelles de ses habitants ainsi que par ce sentiment voulant que tous et chacun soient unis dans l’atteinte d’un même objectif de société.

(…)

En 2016, les Américains ont choisi de prioriser leurs propres petites indignations, plaçant leurs ressentiments personnels au-dessus de toute préoccupation quant au sort du pays et du reste du monde, empressés d’élire un homme dont l’unique compétence pour le poste était cette volonté de permettre à leurs haines de s’exprimer, sanctionnant leur colère avec leurs ennemis bien en mire, qu’ils soient réels ou imaginaires.

(…)

Même si Trump subissait une cuisante défaite en novembre, rien n’indique qu’une nation aussi divisée sera en mesure de dénicher la voie pour aller de l’avant. Pour le meilleur ou pour le pire, le meilleur de l’Amérique est derrière elle…

(…)

Voici le lien menant à l’article original, judicieusement titré The Unraveling of America et publié le 6 août 2020 sur le site rollingstone.com par l’anthropologue Wade Davis.

https://www.rollingstone.com/politics/political-commentary/covid-19-end-of-american-era-wade-davis-1038206/?fbclid=IwAR14jH__T_pJKtLINv7w_kEoMzbeG0xcuFRmTpIK7s9Ze9idLJcs7s-u6Cg


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Commentaires

2 réponses à “LA DÉCONFITURE DE L’AMÉRIQUE”

  1. Avatar de manon taschereau
    manon taschereau

    C’est un article qui ouvre un monde de questionnements, de profondes réflexions sociales. Une page d’histoire s’écrit actuellement. Je voudrais que cela provoque un engagement personnel, aussi minime soit-il, à poser des gestes dans son quotidien, à discuter et échanger sans peur ou intimidation, dans sa famille, entre amis, entre groupes communautaires. Je voudrais que cet article circule sur toutes les voies, aussi loin que possible, pour sensibiliser ou toucher les gens. Nous sommes tous tellement concernés, l’avenir se dessine à partir de soi d’abord. Merci Dominique, sérieux !

  2. Avatar de Dominique Nadeau
    Dominique Nadeau

    Oh que c’est bien dit!!!… mais malheureusement légèrement utopique, surtout lorsqu’il est question de «discuter et échanger sans peur ou intimidation» puisqu’en cette époque coronovarienne où foisonnent d’abracadabrantes théories du complot (entre autres), il appert qu’un énorme fossé sépare désormais les différents points de vue qu’exacerbent les réseaux sociaux à un niveau encore jamais vu dans l’histoire.

    Mais bon. Ayant peut-être étrangement foi en l’espèce humaine, je garde néanmoins espoir en un avenir, disons, moins polarisé même si, pour paraphraser Hegel, l’Histoire et l’expérience nous enseignent que les peuples n’ont rien appris de l’Histoire.

    Bref, l’éternel recommencement… rien qu’à penser à la pandémie de 1918 (ou 1917, comme le répète erronément l’historien Donald), le monde n’a rien appris des erreurs du passé.

    Mais je le redis, je garde espoir!

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